L'indécision est votre pire ennemi!

indécision.jpg

La vie d’une chanson, de sa conception jusqu’au produit final, est ponctuée de décisions. Les méthodes de production d’aujourd’hui permettent et, sans le vouloir, encouragent le report continuel de ces décisions... au détriment de la musique.

Vance Powell (Jack White, Keb’ Mo’, LeAnn Rimes, Kings of Leon, etc.) est catégorique : « Selon moi, la principale cause de la dégradation de la musique aujourd’hui, c’est que plus personne ne prends de putain de décisions! »

La planification est votre meilleure alliée

On ne le répétera jamais assez : la préproduction est l’élément clé d’un projet. La grande majorité des décisions que vous et vos partenaires aurez à prendre lors des étapes subséquentes découleront de ce que vous aurez fixé en préprod. Plus votre vision sera claire dès le départ, plus les techniques à utiliser lors de l’enregistrement et du mixage couleront de source.

À l’enregistrement : décidez!

Georges Lucas soutenait que « l’option est le pire ennemi de la décision ». Le travail fait en préproduction réduit considérablement le nombre de choix possibles lors de l’enregistrement. Par exemple, si vous avez décidé d’orienter une pièce vers un style « garage », il est inutile d’installer 12 micros sur la batterie : 2, 3 ou 4 feront l’affaire. Si la chanson dicte de doubler les guitares électriques, un seul micro par ampli vous donnera probablement un meilleur résultat que d’en placer 2 ou 3.

sn micro.jpg

La sélection des microphones est donc éclairé par vos décisions antérieures. La pire chose que vous pouviez faire, c’est de placer tout votre arsenal de microphones sur une même source « au cas où ». Vous ne faites que reporter au mixage une décision qui pourrait être prise maintenant.

Prenez plutôt le temps de bien positionner vos micros et de les auditionner afin de déterminer celui ou ceux qui vous rapprochent le plus du son que vous avez en tête.

Dans le cas d’un enregistrement « live en studio », la connaissance du groupe que vous aurez acquise en préprod orientera votre méthode. Par exemple, si vous considérez que le groupe est assez solide pour interpréter la chanson en deux ou trois prises, vous n’aurez pas à isoler parfaitement chacun des instruments. Par contre, avec un groupe moins expérimenté, votre objectif sera peut-être de sortir de la session avec une piste de batterie convenable et à bâtir le reste de l’instrumentation sur cette piste. Vous veillerez donc à ce que les autres instruments ne polluent pas le son de la batterie lors de l’enregistrement.

Aux overdubs : décidez!

À force d’ajouter des pistes en se disant qu’on va rendre le son plus grand que nature, on obtient inévitablement l’effet inverse. Le 7e échantillon de kick drum ne le rendra pas plus percutant. De même, l’ajout d’une cinquième piste de guitare stéréo n’aidera pas à rendre le son des guitares gigantesque. Plus flou, certes, mais pas plus gigantesque. La modération est aussi de rigueur avec les synthés et les percussions.

Passée une certaine limite, l’addition d’éléments identiques crée inévitablement des problèmes de tempo et diminue leur précision. De toute façon, si la structure et l’orientation de la chanson sont bien définies, elles dicteront les endroits qui nécessitent un arrangement plus dense. Sachez reconnaître quand vous arrêter. Si une piste additionnelle ne sert pas la chanson, elle ne sert à rien, et ce, même si la performance sur cette piste est extraordinaire (pourquoi est-ce que je pense soudainement à un solo de guitare, moi?).

panneau.jpg

De plus, la technologie permet aujourd’hui d’enregistrer un nombre infini de reprises de la même performance. Puisqu’on le peut, on succombera peut-être même à l’idée de tout conserver… « juste au cas ».

Cette façon de procéder tue la spontanéité lors de l’enregistrement et démotive les musiciens. Qui veut vraiment rechanter 45 fois le même passage!

Et le cauchemar se poursuivra lors de l’édition! Prenons une chanson de 3:00. Vous avez enregistré 10 prises de voix. Il vous faudra donc 30 minutes juste pour en faire l’écoute. 30 minutes! Et vous n’avez pas encore comparé les pistes entre elles, vous n’avez pas encore choisi les passages à utiliser, vous ne les avez pas assemblés, ni corrigé les problèmes de tempo ou de tonalité, etc., etc., etc.! Il ne faudra donc pas vous surprendre de sentir que votre motivation spirale en chute libre et que cette chanson commence sérieusement à vous gonfler!

À l’enregistrement, donnez donc un répis à tout le monde : décidez! Si une prise convient, gardez-la et passez à autre chose; sinon supprimez-la et faites-en une autre. Il est totalement inutile de conserver une performance qui ne convient pas. Si seulement un passage de la prise est acceptable, prenez son emplacement en note. Ainsi, vous n’aurez pas à vous taper l’écoute complète de chacune des prises et à les réévaluer pour en isoler les meilleurs passages. 

Au mixage : décidez!

Si vous avez un projet à mixer comptant un nombre exagérément élevé de pistes, c’est que des décisions n’ont pas été prises en cours de route. Ces décisions sont maintenant entre vos mains. Faites une copie de sureté et foncez!

Pour les projets volumineux. les sous-groupes sont vos meilleurs alliés. Dix pistes d’orchestre peut facilement devenir un seul fader de votre mixeur si vous les regroupez dans un sous-groupe. Les 3 pistes de micros pour chacune des 2 guitares acoustiques (qui finiront l’une à gauche et l’autre à droite de toute façon) peuvent souvent être rationalisées à un seul micro chacune et ensuite dirigées vers un sous-groupe. Les 18 pistes d’harmonies vocales vous supplient de leur créer un sous-groupe!

Vous pouvez aussi également exporter (« bounce » en anglais) des pistes ensemble. Bien que ce procédé soit plus drastique, il permet de réduire le nombre de pistes. Si cette perspective vous fait peur, devinez quoi : créer vous d’autres sous-groupes!

Une fois vos sous-groupes définis et le nombre de pistes diminué, utilisez la fonction de votre DAW pour masquer de votre mixeur les pistes qui sont désormais groupées et traitez-les à partir de leurs sous-groupes respectifs. Généralement, si vous arrivez à voir tous les éléments en un seul écran, vous êtes sur la bonne voie. Rappelez-vous que des milliers d’albums ont été réalisés sur des consoles n'ayant que 16 ou 24 pistes.

Si vous jugez qu’une piste ne sert pas la chanson, n’hésitez pas à utiliser le bouton « mute » et à la déplacer hors de votre vue. Dans mes projets, j’ai toujours un fichier « leftovers » (traduction libre : reste de table) qui contient toutes les pistes que je ne compte pas utiliser ou qui sont désormais inutiles (les pistes originales qui ont été exportées ou « bouncées », les prises de micros multiples qui ne servent pas,  etc.).  N’ayez pas peur de ramener la quantité d’éléments à mixer à un nombre plus raisonnable. Vous gagnerez du temps, vous limiterez le traitement nécessaire et la chanson ne s’en portera que mieux.

Éric Noël

Musicien, propriétaire de studio, réalisateur et formateur, Éric Noël œuvre dans le domaine de la production musicale depuis plus de 30 ans. Il est également le créateur de MusiqueProd.com et l’auteur du best seller : Comprendre le mixage.

Précédent
Précédent

4 trucs que font les pros et que négligent les amateurs

Suivant
Suivant

La préproduction #1