Lancer un album aujourd’hui : est-ce encore une bonne idée ?

Nous savons tous que les habitudes d’écoute des amateurs de musique ont considérablement changé au cours des dernières années. Dans un monde où le single semble régner en maître, on peut se demander si l’approche traditionnelle consistant à centrer sa promotion sur le lancement d’un album est encore pertinente. Je vous propose donc un survol des trois principales stratégies en matière de diffusion musicale.

Approche 1 : l’album seul

Faire un album est très souvent une aspiration importante pour bien des artistes indépendants. C’est un concept séduisant, porteur de sens et de fierté… mais qui ne devrait pas devenir une fin en soi. Combien d’artistes ou de groupes n’ont pas survécu à leur premier album ?

Côté budget, produire un album d’un coup permet de réaliser des économies d’échelle en regroupant les frais de production en un seul élan. Mais il y a un piège ! Pris dans le feu de l’action, bien des artistes indépendants y engloutissent la totalité de leur budget, souvent sans s’en rendre compte. Pire encore, certains auront sous-évalué le montant nécessaire à la production, ce qui minera le budget promo… si jamais ils en avaient prévu un !

Il y a bien sûr l’attrait du support physique. Avoir sa musique sur un CD ou un vinyle que l’on peut tenir entre ses mains est également très attrayant pour les artistes indépendants. Cependant, un support physique ne se justifie que si vous avez des spectacles où les écouler. Qu’on le veuille ou non, un CD ou un vinyl n’est aujourd’hui qu’un objet promotionnel au même titre qu’un t-shirt… et les possibilités que les gens préfèrent le t-shirt à votre CD sont très grandes! Est-ce que ce poste de dépense se justifie ?

Il y a toutefois de bons côtés. Un album demeure un des meilleurs prétextes pour partir en tournée et débuter un nouvel effort promotionnel. Malgré cela, sortir un album complet sans aucun single pour le précéder est, selon moi, un coup d’épée dans l’eau. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, seule une minorité de personnes écouteront un album du début à la fin, surtout s’ils n’ont jamais entendu un extrait auparavant. Au final, cette approche ne touchera que les gens qui vous connaissent et vous suivent déjà. Ce qui nous mène à la deuxième approche…

Approche 2 : Quelques simples puis un album

C’est la façon la plus courante de fonctionner pour la majorité des artistes établis, et c’est aussi une excellente approche pour les artistes indépendants. L’idée est simple : produire l’album dans son ensemble, mais sortir un ou deux extraits avant sa parution officielle.

Outre que cette approche permette de bénéficier des économies d’échelle liées à la production d’un album complet, elle a des effets bénéfiques sur l’ensemble de la production et de sa promotion. Elle force en effet l’artiste et son équipe à peaufiner la préproduction afin d’avoir des chansons suffisamment avancées parmi lesquelles choisir les premiers extraits. Elle oblige également à réfléchir dès le départ à la promotion et à y allouer une partie du budget.

L’écoute d’un single demande moins d’effort que celle d’un album complet, que ce soit pour le public ou pour les programmateurs radio. En diffusant ces premiers titres, vous créez une anticipation autour de l’album et multipliez vos chances de toucher des fans qui ne vous connaissaient pas encore.

Approche 3 : Uniquement des singles… regroupés ensuite en un album

L’approche consiste à sortir chaque morceau individuellement, puis, plus tard, à les regrouper en un album. Cette méthode est particulièrement courante chez ceux qui produisent leur musique de façon solitaire ou ceux qui ne s’adresse pas vraiment au grand public.

L’artiste a alors la possibilité d’explorer différents styles, sonorités ou collaborations sans contrainte de cohésion entre les titres. Le revers de la médaille, c’est que cette liberté artistique mène souvent à un résultat décousu et difficile à promouvoir comme une œuvre cohérente. Cette approche ne contribue donc pas à établir une identité musicale forte sur laquelle peuvent s’attacher les auditeurs. Le regroupement des singles en album sera, somme toute, peu utile : il permettra de rassembler les titres selon leur date de production, plus que selon une véritable cohérence artistique.

Cette méthode n’est donc pas le meilleur choix si l’objectif est d’augmenter l’audience dans le sens traditionnel du terme. Elle reste par contre parfaitement adaptée aux compositeurs de musique de films, aux beatmakers ou même aux auteurs-compositeurs, dont le but principal n’est pas de séduire un public large, mais d’exposer leur savoir-faire à une clientèle commerciale spécifique. Un catalogue de pièces indépendantes devient alors un véritable portfolio public, permettant de démontrer son style et sa maîtrise technique auprès des bons interlocuteurs.

Nous voulons tous être entendus : l’enjeu est de trouver la méthode la plus efficace pour partager votre musique. Le choix entre album, simples ou un mélange des deux dépend avant tout de vos objectifs, de votre public et de vos ressources. La stratégie de diffusion retenue déterminera directement votre capacité à gérer la promotion de votre projet… et à le faire entendre aux bonnes oreilles.

Éric Noël

Musicien, propriétaire de studio, réalisateur et formateur, Éric Noël œuvre dans le domaine de la production musicale depuis plus de 30 ans. Il est également le créateur de MusiqueProd.com et l’auteur du best seller : Comprendre le mixage.

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