Maîtriser la compression 2 : L'ordre dans la chaîne
Comme nous l’avons souligné, le compresseur est un des outils les plus puissants à notre disposition lors du mixage. Son action est telle qu’il touche toutes les composantes qui seront placées avant ou après celui-ci dans votre chaîne. Ce qui soulève l’épineuse question de l’ordre des composantes par rapport au compresseur. Voici quelques pistes de solutions.
Comme vous l’avez sûrement expérimenté à maintes reprises par vous-même, la position des éléments dans la chaîne de traitements a une influence majeure sur le résultat final. Le son à la sortie sera totalement différent si l’on place l’égalisateur de fréquences avant ou après le compresseur, par exemple. Qui plus est, les éléments interagissent entre eux, ce qui rend leur performance variable selon leur position.
Bien qu’il y ait rarement de recettes miracles, une méthode semble quand même de mise :
de manière générale, on visera à éliminer les problèmes dans le signal
avant la compression et à modeler le signal après celle-ci.
AVANT le compresseur
LE GATE
Nous savons que la compression diminue la dynamique d’un signal. Il réduit les pointes, mais augmente tout ce qui est à bas volume. En plaçant le gate avant le compresseur, on se donne donc la possibilité d’éliminer le bruit de fond et, dans le cas d’une prise de son live, de mieux gérer le coulage entre les instruments. Tout cela dans le but d’obtenir le signal le plus propre possible à envoyer au compresseur.
LE DEESSER
Un des effets pervers de la compression sur un enregistrement de voix est de faire ressortir la sibilance. En insérant un deesser avant l’étape de compression, les fréquences problématiques seront atténuées, rendant le travail de compression plus efficace.
L’ÉGALISATEUR CORRECTIF
Dans la même optique, un égalisateur de fréquence peut être placé avant la compression pour éliminer des problèmes de résonance dans la prise de son ou l’excès de basses fréquences dans le signal. On parle donc d’une égalisation de correction et non d’un traitement esthétique. On s’attaque aux fréquences problématiques.
Placer un égalisateur avant le compresseur pour sculpter les fréquences d’un signal n’est en effet pas aussi efficace. Plus vous augmenterez une fréquence, plus le compresseur luttera contre vous pour l’atténuer. Par exemple, si j’augmente une fréquence de 3 dB avant compression, quelle sera la véritable augmentation de cette fréquence après la compression? Difficile à dire, n’est-ce pas? Pour compliquer davantage les choses, la compression touche l’ensemble du spectre de fréquence du signal. L'augmentation ou la diminution à une fréquence donnée aura donc un impact sur toutes les autres fréquences. De plus, la modification de l’égalisateur en cours de mixage fera varier le volume à l’entrée de votre compresseur. Vous devrez donc revoir les réglages de votre compresseur et à chaque fois que vous toucherez l’EQ qui le précède. Les traitements qui suivent votre compresseur devront vraisemblablement être également retouchés. Avouons que ce n’est rien pour faciliter le mixage!
Il y a bien sûr une exception. Typiquement, quand on utilise un channel strip SSL, il est d’usage d’égaliser la piste avant de la compresser par le même channel strip. Cette façon de faire est effectivement particulière à l’utilisation d’un channel strip SSL et permet généralement de tirer le maximum de sa couleur particulière.
LES EFFETS DE MODULATION ET DE FILTRE
Plusieurs types d’effets de modulation (chorus, flanger, phaser, etc.) et les effets de filtre ont tendance à rendre le signal moins uniforme. Ils auront donc souvent avantage à être placés avant le compresseur.
APRÈS le compresseur
L’ÉGALISATEUR ESTHÉTIQUE
Placer un égalisateur à la suite du compresseur facilite l’intégration de la piste dans l’ensemble du mixe. En effet, l’égalisation ne sera pas atténuée ou renforcée par le compresseur. Une augmentation de 2 dB sur une fréquence donnera 2 dB d’augmentation sur cette fréquence uniquement. L'égalisateur joue donc son rôle avec une plus grande précision.
Placer un égalisateur après le compresseur pour modeler le son de la piste rend son opération beaucoup plus intuitive. D’ailleurs, je vous suggère de faire cette expérience. Choisissez une piste d’un de vos mixes ayant déjà un égalisateur et changer sa position par rapport au compresseur. Vous constaterez que la différence entre les deux résultats est loin d’être subtile. L’égalisateur est beaucoup plus réactif lorsqu’il est placé après la compression qu’avant, ce qui vous permet de réduire l’ampleur de vos corrections .
DEESSER
Un deesser peut aussi être utile en fin de chaîne si la piste a nécessité une forte d’augmentation des hautes fréquences ou que le compresseur a contribué à faire ressortir la sibilance déjà présente dans le signal.
TOUS LES EFFETS D’AMBIANCE
Lorsqu’ils sont utilisés en insertion, les échos et reverbs sont généralement plus faciles à gérer si on les place après le compresseur.
Cela dit, il existe évidemment des exceptions. Par exemple, pour obtenir le typique son de caisse claire des années ‘80 (le son Phil Collins), on appliquera une reverb, suivi d’un gate et de la compression. On peut aussi allonger artificiellement la finale des toms en ajoutant une reverb et en compressant ensuite. De même, on pourra appliquer une reverb sur une batterie échantillonnée et compresser ensuite le tout pour recréer l’effet de l’utilisation de microphones d’ambiance. Enfin, l’insertion d’un écho avant la compression est une technique utilisée assez fréquemment dans le hip-hop pour recréer l’effet d’un écho dynamique.
Ainsi, à moins de vouloir obtenir un de ces effets précis, il est préférable de placer les effets de réverbération et d’écho à la toute fin de la chaîne… ou encore mieux, d’acheminer le signal vers ces effets à partir des sends de la piste.
